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Après-COVID-19 : manifeste pour un monde en meilleure santé

également une vidéo ci dessous: La stratégie du choc  théorisée par Naomie Klein   est bien réelle , elle est expliquée dans la vidéo du célèbre Youtubeur Vincent Verzat sur sa chaine « Partager c’est sympa »

Recommandations pour un monde en meilleure santé et plus soucieux de l’environnement après la COVID-19

« La pandémie nous rappelle que l’humanité et la planète entretiennent une relation intime et délicate. Tous les efforts déployés pour rendre notre monde plus sûr sont voués à l’échec s’ils ne portent pas sur l’interface cruciale entre l’être humain et les agents pathogènes et sur la menace existentielle des changements climatiques, qui rendent notre planète moins habitable. »
Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l’OMS. Allocution à la Soixante-Treizième Assemblée mondiale de la Santé, 18 mai 2020.

Ce que nous a appris la COVID-19

La pandémie de COVID-19 est le plus grand choc subi par notre monde depuis des décennies. Des centaines de milliers de vies ont été perdues, et l’économie mondiale connaît sans doute sa pire récession depuis les années 1930. Les pertes d’emplois et de revenus qui en résultent auront d’autres répercussions négatives sur les moyens de subsistance, la santé et le développement durable.

Les sociétés doivent se protéger, et se relever, le plus rapidement possible. Mais nous ne pouvons pas recommencer à agir comme nous le faisions auparavant. Un nombre toujours plus grand de maladies infectieuses, dont le VIH/sida, le Syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) et la maladie à virus Ebola, ont franchi la barrière des espèces entre la faune sauvage et l’être humain – et toutes les données disponibles permettent de penser que la COVID-19 a suivi le même chemin. Une fois que la transmission interhumaine de la COVID-19 a commencé, les systèmes nationaux et internationaux de surveillance et de riposte n’ont été ni assez solides ni assez rapides pour stopper complètement la transmission. Et au fur et à mesure que les infections se propageaient, l’absence de couverture sanitaire universelle a laissé des milliards de personnes, y compris nombre d’entre elles dans les pays riches, sans accès fiable et abordable à un traitement médical. Du fait d’inégalités massives, les décès et la perte des moyens de subsister ont été fortement corrélés à la situation socioéconomique, et fréquemment aggravés par le genre ou l’appartenance à une minorité.

Tenter de faire des économies en négligeant la protection de l’environnement, la préparation aux situations d’urgence, les systèmes de santé, et les filets de protection sociale, s’est avéré une fausse économie – et la facture est d’autant plus lourde aujourd’hui. Le monde ne peut pas se permettre de nouveaux désastres de l’ampleur de la COVID-19, qu’ils soient déclenchés par la prochaine pandémie, ou par des dommages environnementaux et des changements climatiques toujours plus dévastateurs. Revenir à « la normale » ne suffit plus.

Dans l’adversité, la crise a aussi fait surgir certains des meilleurs côtés de nos sociétés : qu’il s’agisse de la solidarité entre voisins, de la bravoure des personnels de santé et des autres travailleurs essentiels qui n’ont pas craint de mettre en danger leur propre santé afin de servir leur communauté, ou encore de la collaboration entre pays pour apporter une aide d’urgence ou rechercher traitements et vaccins. Les mesures de confinement qui ont été nécessaires pour lutter contre la propagation de la COVID-19 ont mis un frein à l’activité économique, et bouleversé les vies – mais elles ont aussi laissé entrevoir la possibilité d’un avenir moins sombre. Dans certains endroits, les niveaux de pollution ont chuté de façon si drastique que les habitants ont pu respirer un air pur, admirer le bleu du ciel et la clarté de l’eau des fleuves, ou encore se promener ou faire du vélo en toute sécurité avec leurs enfants, pour la première fois de leur vie. L’utilisation des technologies numériques a donné un coup d’accélérateur à de nouvelles manières de travailler et d’être reliés les uns aux autres, qui permettent de réduire le temps passé entre domicile et lieu de travail, d’introduire plus de souplesse dans les façons d’étudier, de mener à bien des consultations médicales à distance, de passer plus de temps avec sa famille. Les enquêtes d’opinion menées dans le monde entier montrent que les gens veulent protéger l’environnement et préserver, au fur et à mesure que nous nous relèverons de cette crise, les adaptations positives que celle-ci a vu naître.

Les gouvernements nationaux engagent aujourd’hui des milliards de dollars, en l’espace de quelques semaines, pour maintenir à flot puis faire redémarrer l’activité économique. Ces investissements sont essentiels pour protéger les moyens de subsistance des populations, et par conséquent leur santé. Mais l’attribution de ces investissements, et les décisions politiques qui guideront le relèvement à la fois à court et à long terme, ont le pouvoir de façonner nos modes de vie, nos façons de travailler et de consommer pour les années à venir. Nulle part est-ce plus important que dans leurs effets sur la dégradation de l’environnement et la pollution, et en particulier sur les émissions de gaz à effet de serre qui sont à l’origine du réchauffement mondial et de la crise climatique.

Les décisions qui seront prises dans les mois à venir peuvent soit figer des schémas de développement économique qui causeront des dégâts permanents et croissants aux systèmes écologiques sur lesquels reposent en totalité la santé et les moyens de subsistance de l’humanité, soit, si elles sont prises intelligemment, promouvoir un monde en meilleure santé, plus équitable et plus soucieux de l’environnement.

Recommandations pour un monde en meilleure santé et plus soucieux de l’environnement

1) Protéger et préserver la source de la santé humaine : la nature 

Les économies sont le produit de sociétés humaines saines, qui à leur tour dépendent de l’environnement naturel – source originelle de l’air pur, de l’eau et de la nourriture, dans leur ensemble. Les pressions exercées par l’être humain, depuis la déforestation jusqu’aux pratiques agricoles intensives et polluantes, en passant par la gestion dangereuse et la consommation de la faune sauvage, mettent en péril ces services. Elles augmentent aussi le risque de maladies infectieuses émergentes chez l’être humain – qui pour plus de 60 % d’entre elles proviennent de l’animal, essentiellement de la faune sauvage. Les plans globaux pour le relèvement post-COVID-19, et en particulier les plans pour réduire le risque d’épidémies futures, doivent remonter plus en amont que la détection précoce et l’endiguement des flambées de maladie. Ils doivent aussi réduire notre impact sur l’environnement, de façon à réduire le risque à la source.

2) Investir dans les services essentiels, depuis l’eau et l’assainissement jusqu’aux énergies non polluantes dans les établissements de soins

Dans le monde entier, des milliards de personnes n’ont pas accès aux services les plus essentiels qui sont indispensables pour protéger leur santé, de la COVID-19 ou de tout autre risque. Les équipements pour le lavage des mains sont indispensables pour prévenir la transmission des maladies infectieuses, mais font défaut dans 40 % des foyers. Les pathogènes résistants aux antimicrobiens sont largement présents dans l’eau et les déchets et une gestion rationnelle de ces pathogènes est nécessaire pour éviter qu’ils ne se propagent à nouveau parmi les êtres humains. En particulier, il est essentiel que les établissements de soins soient équipés de services d’eau et d’assainissement, notamment d’eau et de savon, la toute première mesure pour interrompre la transmission du SARS-CoV-2 comme d’autres infections ; qu’ils disposent de l’accès à une source d’énergie fiable qui est indispensable pour effectuer en toute sécurité la plupart des interventions médicales, et que les agents de santé bénéficient d’une assurance professionnelle.

Globalement, les risques environnementaux et professionnels évitables entraînent environ un quart de tous les décès dans le monde. Les investissements dans des environnements plus sains pour assurer la protection de santé, favoriser la réglementation environnementale, et veiller à ce que les systèmes de santé résistent aux changements climatiques, sont à la fois des garde-fous essentiels contre de futures catastrophes mais offrent aussi certains des meilleurs retours sur investissement pour la société. Par exemple, chaque dollar investi dans le renforcement de la Loi contre la pollution de l’air aux États-Unis d’Amérique s’est traduit par 30 dollars gagnés par les citoyens américains, sous la forme d’une amélioration de la qualité de l’air et de gains en santé.

3) Assurer une transition énergétique rapide dans l’intérêt de la santé

Actuellement, plus de sept millions de personnes décèdent chaque année du fait de l’exposition à la pollution de l’air – soit un décès sur huit. Plus de 90 % des citoyens respirent un air ambiant (extérieur) dont les niveaux de pollution sont supérieurs aux valeurs seuils des lignes directrices de l’OMS relatives à la qualité de l’air. Deux tiers de cette exposition à la pollution extérieure est due à la combustion de ces mêmes carburants fossiles qui sont à l’origine des changements climatiques.

Dans le même temps, les sources et le stockage des énergies renouvelables continuent à voir leur prix baisser, leur fiabilité augmenter et à engendrer la création d’emplois plus nombreux, plus sûrs et mieux rémunérés. Les décisions relatives aux infrastructures énergétiques qui sont prises aujourd’hui seront verrouillées pour les décennies à venir. La prise en compte de la totalité des conséquences économiques et sociales, et la prise de décisions dans l’intérêt de la santé publique, permettront de favoriser les sources d’énergie renouvelables, conduisant à des environnements moins pollués et à des citoyens en meilleure santé.

Plusieurs pays parmi ceux qui ont été touchés les premiers et le plus durement par la COVID-19, tels que l’Italie et l’Espagne, et ceux qui ont lutté avec le plus de succès contre la maladie, tels que la Corée du Sud et la Nouvelle-Zélande, ont placé le développement vert comme la santé au cœur de leurs stratégies de relèvement après la crise due à la COVID-19. Une transition mondiale rapide en faveur des énergies vertes permettrait non seulement de satisfaire l’objectif de l’Accord de Paris sur les changements climatiques qui est de maintenir le réchauffement en-dessous de 2° C, mais aussi d’améliorer la qualité de l’air de telle manière que les bénéfices pour la santé qui en résulteraient seraient plus de deux fois supérieurs à l’investissement consenti.

4) Promouvoir des systèmes alimentaires sains et durables

Les maladies causées soit par le manque d’accès à la nourriture soit par des régimes alimentaires nocifs pour la santé, à haute teneur en calories, sont désormais la principale cause du mauvais état de santé dans la population mondiale. Elles sont aussi un facteur de vulnérabilité accrue face à d’autres risques –l’obésité et le diabète, par exemple, figurent parmi les principaux facteurs de risque de morbidité et de mortalité des patients atteints de la COVID-19.

L’agriculture, en particulier le défrichage des terres pour l’élevage du bétail, contribue à environ un quart des émissions de gaz à effet de serre, et le changement d’affectation des terres est le plus important facteur environnemental dans l’émergence de flambées de maladies. Il est nécessaire de passer rapidement à des régimes alimentaires sains, nutritifs et durables. Si le monde était en mesure de respecter les lignes directrices de l’OMS dans le domaine de l’alimentation, cela permettrait de sauver des millions de vies, de réduire les risques de maladie, et de parvenir à des réductions majeures dans les émissions mondiales de gaz à effet de serre.

5) Construire des villes saines et vivables

Plus de la moitié de la population mondiale vit désormais dans les villes, et celles-ci représentent plus de 60 % de l’activité économique comme des émissions de gaz à effet de serre. Les villes se caractérisent par une densité de population relativement élevée et un trafic saturé, aussi de nombreux déplacements peuvent-ils se faire plus efficacement en utilisant les transports publics, la marche ou le vélo, plutôt que l’automobile individuelle. Ces modes de déplacement sont aussi très bénéfiques pour la santé puisqu’ils entraînent une réduction de la pollution atmosphérique, des traumatismes dus aux accidents de la circulation, et de la mortalité – plus de trois millions de décès annuels – due au manque d’activité physique.

De nombreuses villes, parmi les plus grandes et les plus dynamiques au monde, telles que Milan, Paris et Londres, ont réagi à la crise due à la COVID-19 en rendant les rues aux piétons et en multipliant massivement les pistes cyclables – permettant ainsi des déplacements respectueux des distances physiques pendant la crise, une reprise de l’activité économique et une amélioration de la qualité de vie après la crise.

6) Cesser d’utiliser l’argent du contribuable pour financer la pollution

Les dommages économiques provoqués par la COVID-19 et les nécessaires mesures de lutte contre la maladie sont bien réels, et mettront à rude épreuve les finances publiques. Des réformes financières seront inévitables pour se relever de la crise due à la COVID-19, et il serait judicieux de commencer par les subventions aux énergies fossiles.

À l’échelle mondiale, ce sont chaque année US $400 milliards environ d’impôts versés par les contribuables qui servent directement à subventionner les carburants fossiles qui favorisent les changements climatiques et sont responsables de la pollution de l’air. En outre, les coûts privés et sociaux induits par les répercussions sur la santé, entre autres, de cette pollution ne sont généralement pas intégrés au prix des carburants et de l’énergie. Si l’on tient compte des dommages sanitaires et environnementaux que ces carburants fossiles provoquent, la valeur réelle des subventions s’élève à plus de US $5000 milliards – soit plus que la totalité des dépenses publiques de santé dans le monde, et environ 2000 fois le budget de l’OMS.

Faire en sorte que le prix des carburants polluants reflète les dommages qu’ils causent permettrait de réduire de moitié les décès dus à la pollution de l’air extérieur, de diminuer de plus d’un quart les émissions de gaz à effet de serre, et de récolter des recettes équivalant à environ 4 % du PIB mondial. Nous devrions cesser de payer la facture des pollueurs, à la fois avec nos impôts et au prix de notre santé.

Un mouvement mondial pour la santé et l’environnement

La crise due à la COVID-19 a montré que les citoyens supporteront même des politiques difficiles si la prise de décision est transparente, basée sur des données factuelles, si elle ne laisse personne de côté et a clairement pour objectif de protéger leur santé, leurs familles et leurs moyens de subsistance – plutôt que de servir des intérêts particuliers.

La conception des politiques doit s’inspirer de cette constatation. Dans la plupart des pays, les Ministres des finances seront aux avant-postes pour définir les mesures qui accompagneront la reprise économique post-COVID-19. Compte tenu des liens très étroits entre environnement, santé et économie, il est tout aussi important que les dirigeants dans le domaine de la santé, les Ministres et les Directeurs généraux de la santé, participent aussi directement à leur élaboration, rendent compte des répercussions qu’elles peuvent avoir à court et à long terme sur la santé publique, et donnent leur feu vert.

En outre, il est fondamental de garder à l’esprit que la protection de la vie, des moyens de subsistance et de l’environnement repose sur le soutien des populations. Les politiques qui ne cherchent pas uniquement à accroître le PIB au maximum, mais à protéger et à améliorer le bien-être, et les gouvernements qui luttent contre les changements climatiques et la destruction de l’environnement avec le même sérieux qu’ils luttent aujourd’hui contre la COVID-19 bénéficient d’un large appui public. Les millions de jeunes qui se sont mobilisés pour demander que l’on agisse pour le climat et la biodiversité – mais aussi pour revendiquer leur droit à un air non pollué, et à un avenir sur une planète vivable, en sont aussi un exemple éclatant.

Le monde de la santé est de plus en plus largement un allié pour atteindre cet objectif. Les personnels de santé sont la profession qui inspire la plus grande confiance au monde. Leurs compétences, leur dévouement, leur courage et leur compassion ont sauvé un nombre incalculable de vies au cours de cette crise de la COVID-19 – portant le respect à leur égard à des niveaux encore plus élevés au sein de leurs communautés. Les professionnels de la santé du monde entier ont montré qu’ils sont aussi de fervents défenseurs de la protection de l’environnement – et par là-même de la santé des populations au service desquelles ils travaillent. Ils sont prêts à se lever pour des sociétés écologiques, saines et prospères pour l’avenir, comme en témoigne la récente lettre ouverte adressée aux leaders du G20, dans laquelle des professionnels du monde entier ont appelé à un monde en meilleure santé après la COVID-19.

article sur le site

https://www.who.int/fr/news-room/feature-stories/detail/who-manifesto-for-a-healthy-recovery-from-covid-19?fbclid=IwAR0Ln72VdPrsZHDdHPRCuZ0T4HP2PFxFgk3rm4_CJmnojV3WFBpju5LIRH8